Les chevaux partagent notre vie depuis quelques millénaires. D'abord utilisés comme force de travail, moyen de transport ou encore montures de guerre, ils sont aujourd'hui majoritairement destinés à une utilisation de loisir, c'est-à-dire que nous ne les travaillons plus que pour notre propre plaisir.
Puisque c'est nous qui sommes entrés dans la vie du cheval et et puisque notre rapport au cheval n'est plus de l'ordre de la nécessité mais du seul plaisir, il est de notre devoir, en tant que cavaliers, de faire en sorte que nos chevaux ne pâtissent pas de cet état de dépendance vis à vis de l'humain, et mieux encore, qu'ils tirent eux aussi profit de cette interaction inter-espèce.
C'est un triste constat : énormément de chevaux associent la relation à l'humain à quelque chose de négatif et nombreux sont ceux qui souffrent « en silence ». En contrepartie du droit que nous nous octroyons de disposer d'eux, notre préoccupation permanente devrait être de nous soucier de la question de leur bien-être mental et physique à chaque instant. Malheureusement, beaucoup de cavaliers aiment l'équitation avant d'aimer l'animal, et trop souvent, le cheval n'est rien de plus qu'un vecteur (de sensation, de valorisation...).
Pour moi, travailler un cheval n'a de sens que si on le place au centre de notre pratique et si l'on fait en sorte de rendre ce moment le plus agréable possible pour lui. Il n'est pas dans mon éthique d'asseoir mon plaisir sur le mal être d'un autre individu, et surtout, je ne conçois de plaisir dans l'équitation qu'en voyant mon cheval heureux, content lui aussi de partager ce moment avec moi. Je suis persuadée que l'on peut apporter beaucoup de positif dans la vie d'un cheval que l'on travaille, et peut-être même leur apporter presque autant que ce que eux nous apportent. Simplement, pour y arriver, il faut s'investir, se former, se remettre en question...et accepter de se tromper et de faire des erreurs car la perfection n'est pas de ce monde. Nous avons une chance immense, les chevaux sont des animaux qui pardonnent énormément. En revanche, notre responsabilité est de ne jamais cesser de donner le meilleur à nos chevaux pour mériter cette relation privilégiée qu'ils nous permettent de vivre.
Voici les 4 principes qui constituent le socle de ma philosophie avec les chevaux :
- Un cadre de vie naturel et stimulant : avant de penser à travailler un cheval et de vouloir qu'il soit bien avec moi, je m'assure de lui donner ce dont il a besoin pour s'épanouir en tant que cheval, à savoir une vie en troupeau au pré, lui permettant de bénéficier de contacts sociaux variés, d'une alimentation adaptée et naturelle et d'une activité régulière. A partir du moment où les besoins primaires de mon cheval sont comblés, je peux envisager de m'insérer dans sa vie pour devenir une attache accessoire, additionnelle et non nécessaire. Je veux établir une relation saine avec mon cheval qui ne se base en aucun cas sur une privation de contacts sociaux ou de mouvement (ex : box, paddock individuel.) Le cheval ne travaille au plus qu'une heure par jour pour nous, il est indispensable qu'il puisse profiter d'une vraie vie de cheval les autres 23h.
- Le relation avant tout : avec mes chevaux, j'ai plein d'objectifs, parfois techniques, mais ils passent toujours après ma relation avec eux. Ce que je souhaite plus que tout, c'est de garder leur envie et leur motivation intactes, faire en sorte qu'ils me voient toujours d'une manière positive, qu'ils viennent à ma rencontre lorsque je rentre dans le pré pour les emmener travailler… Pour installer et entretenir cette relation, je passe notamment par une pratique du travail à pied importante et de manière générale, j'essaie d'être la plus positive possible, de faire preuve d'enthousiasme et de valoriser mes chevaux du mieux que je peux. Je m'efforce de rendre le travail ludique et fun, j'établis des progressions accessibles et cohérentes. J'utilise des renforcements négatifs aussi soft que possible et à l'inverse, j'utilise énormément les renforcements positifs. Il ne m'arrive d'ailleurs jamais de réaliser une séance sans friandises ou sans grattouilles. Enfin, je veille à partager des moments agréables en dehors du travail. Aucun de mes chevaux ne rentre au pré après avoir travaillé sans avoir eu le droit de manger pendant un bon moment la bonne herbe verte à l'extérieur du pré. Je ne cherche pas la performance au détriment de la relation, mais force est de constater que le fait de ne jamais sacrifier la relation est également un chemin vers la performance puisque le cheval devient extrêmement généreux.
- Une communication de qualité : attendre quelque chose d'un individu d'une autre espèce signifie qu'on doit se mettre à son niveau pour se faire comprendre. Pour autant, nous ne pouvons pas parler « cheval » car il nous manque certains attributs physiques pour nous exprimer comme ils le font et il est évident que nous attendons des choses plus complexes d'un cheval qu'un simple « vivre-ensemble ». Il faut donc créer un pont entre nos deux espèces, un langage commun, à mi-chemin entre nos moyens de communication et ceux du cheval. Cela implique de maîtriser non seulement les théories de l'apprentissage mais également d'apprendre à communiquer clairement avec son langage du corps, canal de communication préférentiel du cheval. L’enjeu est de réussir à établir une communication claire, compréhensible mais aussi agréable pour le cheval, en recherchant perpétuellement une plus grande finesse, de la discrétion et de la légèreté. Lorsque je travaille un cheval, il m'arrive de me laisser aller lors des moments d'échange spontané, mais la plupart du temps, j'essaie d'améliorer en permanence ma gestuelle, mon énergie, ma présence… Dans le travail monté, je m'évertue à devenir chaque jour une meilleure cavalière, qui ne gêne pas son cheval, et d'avoir des aides de plus en plus justes et subtiles.
- Une pratique polyvalente : une fois mise en place l'éducation de base du cheval, j'essaie de varier au maximum les activités que je propose à mes chevaux. Dans le travail à pied, je jongle entre les exercices de réflexion, les moments de jeux, le travail de gymnastique, les passages d'embûches… Dans le travail monté, je travaille avec et sans contact, sur la connexion mentale et la connexion physique, en dressage et à l'obstacle, dans le pré, en carrière ou en extérieur. J'attends de mon cheval qu'il soit à la fois bien dans sa tête et bien dans son corps et qu'il soit capable de polyvalence. Cette grande variété d'activités permet d'éviter l'ennui du à la répétition abrutissante de séances monotones et prévisibles. Je pratique une équitation totalement « sans mors » (et sans éperons), l'idée étant de s'affranchir des outils les plus contraignants. J'insisterai sur l'importance du travail en liberté - autant à pied que monté – dans ma pratique avec les chevaux. En réduisant les contraintes physiques et en augmentant les capacités d'expression du cheval, la pratique d'un travail en liberté correctement mené est un moyen de jauger l'adhésion du cheval et de vivre des moments de partage et de complicité uniques avec son cheval. Enfin, je me permettrai de rajouter que dans l'approche de l'équitation éthologique, la composante physique est fréquemment oubliée dans le travail du cheval. Or il est très important d'avoir un cheval athlétique, musclé, équilibré, capable de nous porter sans se faire mal.
Pour conclure, je terminerai en m'émerveillant devant la beauté de cet animal qui possède force, grâce et noblesse, et qui, je pense, stimule hautement notre imaginaire. Voir des chevaux jouer entre eux au pré, faire la démonstration de leurs allures élégantes, de leur charisme ou encore de leurs clowneries, est un spectacle dont je ne me lasserai jamais. Mon objectif ultime lorsque j'interagis avec eux est de réussir à obtenir ce brillant, dans le respect de leur personnalité propre. Je veux les voir fiers et pétillants, le regard expressif et joyeux, à l'aise dans leur corps souple et équilibré, heureux d'être là et dévoilant toute leur magnificence.